La réunion

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La commission examine, en application de l'article 140, alinéa 2 du Règlement, la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête visant à établir les raisons de la très forte croissance de la dette française depuis l'élection présidentielle de 2017 et ses conséquences sur le pouvoir d'achat des Français (n° 2433).

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Mes chers collègues, nous devons examiner, en application de l'article 140, alinéa 2, du Règlement, la recevabilité de la proposition de résolution n° 2433 tendant à la création d'une commission d'enquête visant à établir les raisons de la très forte croissance de la dette française depuis l'élection présidentielle de 2017 et ses conséquences sur le pouvoir d'achat des Français, pour laquelle le groupe Les Républicains a souhaité exercer son droit de tirage. Je vous rappelle que, conformément à l'article 140, alinéa 2, du Règlement, il convient de vérifier que les conditions requises pour la création de la commission d'enquête sont réunies, sans se prononcer sur son opportunité.

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Le groupe Les Républicains, auquel j'appartiens, a choisi de faire usage de son droit de tirage pour demander la création d'une commission d'enquête sur les raisons de la très forte croissance de la dette française depuis l'élection présidentielle de 2017 et ses conséquences sur le pouvoir d'achat des Français.

Je m'associe pleinement à cette initiative et je partage la conviction qu'il est nécessaire de faire la lumière sur les causes de l'évolution préoccupante de notre endettement en vue des débats à venir sur le prochain projet de loi de finances (PLF), qui promettent à juste titre d'être animés. Le ministre chargé des comptes publics, Thomas Cazenave, a affirmé il y a quelques jours qu'il était ouvert aux propositions du Parlement pour contenir l'évolution de la dette publique dans le cadre de l'élaboration du prochain PLF : nous prenons acte de cette volonté. Notre pays s'est en outre engagé, dans le programme de stabilité 2024-2027, à réduire significativement son déficit public dès l'année prochaine après le dérapage constaté en 2023.

Dans la droite ligne de cet engagement, auquel mon groupe a à cœur de contribuer, il s'agit de nous donner les moyens d'appréhender les causes de l'endettement massif de la France. Les crises sanitaire et inflationniste y ont certes eu leur part, mais ce ne sont pas les seules explications. Nous entendons donner les moyens à cette commission d'enquêter sur l'ensemble des causes de la contre-performance des finances publiques pour avancer des propositions étayées qui, je l'espère, sauront nous rassembler au-delà de mon groupe et retenir l'attention du Gouvernement. Il s'agit en effet d'un sujet d'intérêt national, pour aujourd'hui comme pour les générations futures. Il suffit pour s'en convaincre de parcourir la liste des missions d'information de la commission des finances, dont l'objet, pour beaucoup, est d'approfondir la question des dépenses fiscales inefficientes ou du pouvoir d'achat, ou encore de mesurer l'intérêt qu'ont suscité les auditions du ministre chargé des comptes publics et du Premier président de la Cour des comptes le 17 avril dernier.

Nous sommes face à l'évidence : l'endettement de la France n'est plus soutenable. Le déficit public a atteint en 2023 – véritable année noire en matière de gestion des finances publiques – un niveau record de 5,5 %. Il s'élève à 5,3 % retraité du changement de base, ce qui reste considérable. Le ratio de dette publique s'établit à 110,6 % du PIB en 2023 et devrait continuer à augmenter jusqu'en 2025. La France est le troisième plus mauvais élève en Europe, derrière la Grèce et l'Italie, et sa position dans ce triste classement ne devrait pas s'améliorer au cours des prochaines années compte tenu de la trajectoire des finances publiques.

Il n'y a pas de dette gratuite : cet état de fait a un coût pour tous les contribuables. Il nous met face à un arbitrage qui va peser sur le pouvoir d'achat des Français dans des domaines fondamentaux comme la santé, le logement ou les retraites. La charge de la dette de l'État devrait atteindre 46,3 milliards d'euros en 2024, soit plus que le budget du ministère des armées, et 72,3 milliards en 2027, soit un niveau correspondant à la somme des budgets de l'éducation nationale et de la sécurité intérieure. M. le Premier président Moscovici a d'ailleurs appelé notre attention sur ce sujet. Face aux crises à venir, la France doit reconstituer ses marges de manœuvre budgétaires pour aider les ménages modestes à faire face aux différentes transitions, notamment environnementale.

Nos partenaires européens, qui ont affronté les mêmes crises que nous, connaissent une situation budgétaire nettement moins dégradée que la nôtre. La situation est d'autant plus inquiétante que, compte tenu des engagements de la France et de la levée de la clause de dérogation générale, notre pays risque de voir sa crédibilité mise à mal, voire d'être sanctionné en raison de la violation des règles budgétaires européennes, qui sont en train d'être réformées. Celles-ci devraient fixer des objectifs moins ambitieux mais corrélativement plus sanctionnés. Elles pourraient être de nature à inquiéter les agences de notation, dont nous attendions le verdict avec inquiétude. Si nous avons échappé à une dégradation de la note de la dette française par les agences Fitch et Moody's, ce n'est que partie remise – l'agence Standard & Poor's se prononcera d'ailleurs à son tour le 31 mai. La décision est donc en sursis.

Ce problème de crédibilité, lié à des prévisions de croissance trop optimistes, est soulevé par le Haut Conseil des finances publiques, qui évoque un « manque de cohérence » de la trajectoire du programme de stabilité. Le gouverneur de la Banque de France, pour sa part, met en avant, dans sa lettre annuelle, la nécessité de redresser les finances publiques. Graphique éloquent à l'appui, il souligne que jamais les prévisions des lois de programmation des finances publiques (LPFP) n'ont été respectées. Il y a lieu de s'inquiéter d'une possible dégradation de la qualité du suivi de la trajectoire adoptée dans la dernière LPFP puisque, je le rappelle, elle a été adoptée grâce à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. À peine quelques mois après son adoption, elle est déjà obsolète.

Mon groupe a la conviction que, pour endiguer la spirale infernale de l'endettement, qui menace à terme notre souveraineté budgétaire, nous devons en identifier les causes, le cas échéant les responsables, au-delà de la simple conjoncture, et détailler les mécanismes à l'œuvre. Notre endettement est bien, pour une part considérable, structurel.

Quels ont été les besoins et les nécessités avancés pour justifier cette débâcle ? Le sujet nous concernant tous, la charge de la dette s'aggravant, par ailleurs, au cours des épisodes d'inflation – pour ce qui concerne les OAT (obligations assimilables du Trésor) indexées –, quelles sont les conséquences concrètes, immédiates et futures, du niveau insoutenable de la dette sur le pouvoir d'achat des Français ? Leur bénéficie-t-il, au travers des politiques de bouclier budgétaire menées par exemple lors de la crise inflationniste, ou bien obère-t-il notre capacité à assurer une protection sociale juste pour tous les Français ? Je pense notamment aux annonces faites sur l'assurance chômage ou la franchise des médicaments.

Il me semblait nécessaire d'éclairer notre commission sur les raisons qui motivent la proposition de résolution de mon groupe, bien que l'unique objet de cette réunion soit d'en vérifier la recevabilité. Le groupe Les Républicains ayant fait usage de son droit de tirage, la commission d'enquête sera en effet créée de droit pour peu que les trois conditions de recevabilité sur lesquelles je m'apprête à revenir soient respectées – et elles le sont.

La première d'entre elles est l'exigence d'une détermination précise des faits donnant lieu à enquête. C'est très exactement le cas ici : les faits en question sont dûment constatés et quantifiés par tous les observateurs. L'objet de la création de la commission d'enquête est de s'intéresser à des faits datés, précis et à leurs effets sur le pouvoir d'achat des Français. Ces faits relèvent du champ le plus évident et le plus fondamental de notre contrôle.

Deuxièmement, la commission d'enquête ne doit pas porter sur un sujet pour lequel les pouvoirs d'enquête reconnus aux parlementaires ont été mobilisés au cours des douze derniers mois. En l'occurrence, aucune commission d'enquête ni aucune mission d'information dotée de pouvoirs d'enquête n'a porté de près ou de loin sur le champ de la dette publique depuis le début de la XVIe législature.

Enfin, la commission d'enquête ne doit pas porter sur des faits pour lesquels une procédure judiciaire est en cours. Le courrier du garde des Sceaux annexé au rapport fait état, sans surprise, de l'absence de procédure judiciaire sur ce sujet.

Toutes les conditions de recevabilité prévues par notre règlement sont donc remplies. Il me reste à accompagner de mes vœux le succès de ces travaux, dont j'attends avec impatience le rapport et qui permettront, je l'espère, d'éclairer l'ensemble d'entre nous en vue du prochain projet de loi de finances.

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Cette commission d'enquête me paraît intéressante et utile. J'ai l'espoir qu'elle nous offre l'occasion d'engager un travail de fond et d'écouter véritablement les divers arguments en présence, en échappant aux caricatures.

Nous ne partons pas du même présupposé. Pour ma part, j'estime que la dette actuelle est très largement soutenable et qu'on se sert de celle-ci pour mener des politiques de baisse des dépenses publiques et de remise en question de la protection sociale. D'un côté, on nous explique que notre pays est quasiment en faillite mais, d'un autre côté, on constate que, lorsqu'on émet des bons sur les marchés, la demande est deux fois supérieure à l'offre. Les taux d'intérêt actuels demeurent négatifs – autrement dit, inférieurs à l'inflation –, ce qui relativisait, par avance, les notes des agences – je ne suis d'ailleurs pas de ceux qui pensaient que cela pouvait avoir une incidence sur la politique économique. J'observe que la crédibilité de ces notations est contestée, au moins dans les pays riches, comme le montre la position de l'AMF (Autorité des marchés financiers) – les marchés sont plus crédibles, paradoxalement, dans la manière dont ils considèrent la dette.

Pour mesurer la soutenabilité de la dette, il faut également prendre en compte le fait que les 3 000 milliards annoncés portent sur une durée de 8 ans et 140 jours, soit la durée moyenne de l'emprunt en France. Si l'on ramène ce chiffre à une période annuelle, on constate que le taux d'endettement est proche de 13 % : il se situe donc à un niveau très inférieur à celui qui est annoncé. Et encore, on ne tient pas compte des actifs : si les marchés réagissent aussi bien, c'est parce que la France possède un patrimoine considérable, dont une part est constituée par l'administration publique. De ce fait, notre actif dépasse largement notre dette. Je ne pense donc pas qu'il y ait péril en la demeure et que l'on soit confronté à un risque systémique comme a pu l'être la Grèce.

Il n'en reste pas moins que plusieurs des questions que vous soulevez, madame Louwagie, présentent un grand intérêt. La première d'entre elles concerne les causes de la dette. Emmanuel Macron a reconnu – rejoignant ainsi des positions que je défends depuis longtemps – que le déficit a augmenté en 2023 en raison d'une baisse des recettes. Cette évolution n'est donc pas due à une hausse des dépenses publiques. J'espère que l'on s'intéressera aux baisses d'imposition, qui sont très inégalement partagées – elles profitent notamment au capital. Hier, Bruno Le Maire affirmait que 25 % du stock de la dette était issu du covid. Il serait intéressant de s'interroger sur la légitimité de la dette et, pourquoi pas, sur l'annulation d'une partie de celle-ci – cela s'est déjà produit, au cours de l'histoire, dans des circonstances tout aussi exceptionnelles.

Une deuxième question importante est de savoir qui détient la dette. Elle n'a pas toujours été aux mains des marchés financiers. Il fut un temps où elle était détenue par les banques centrales et, donc, au temps où celles-ci n'étaient pas indépendantes, par l'État lui-même. La dette covid présente la particularité d'être détenue par la Banque centrale européenne (BCE). Cela a des conséquences importantes car, si on décidait d'annuler la dette ou de reporter les remboursements, on ne ferait pas défaut vis-à-vis des marchés. Par ailleurs, alors que la dette japonaise, qui atteint 260 % du PIB, est détenue par des nationaux, la nôtre est, de manière croissante, aux mains de fonds étrangers, ce qui peut être source de difficultés. Il faudra que l'on puisse aborder ces sujets.

La troisième question que vous avez soulevée concerne l'utilisation de la dette. C'est peut-être la question principale car elle nous amène à nous interroger sur son bien-fondé.

J'espère que nous pourrons traiter ces questions de la manière la plus honnête possible.

Mon prédécesseur M. Éric Woerth affirmait, le 17 avril 2020, lors de l'examen d'un projet de loi de finances rectificative (PLFR) : « En réalité, la dette est quasi éternelle. Tout le monde sait que personne ne rembourse jamais la dette ». En effet, la dette roule ; elle est un stock. Ce qu'il faut regarder, c'est la charge de la dette et, encore une fois, je demande qu'on la considère en pourcentage du PIB, ce qui donne des chiffres différents des valeurs brutes qui sont évoquées. D'après le programme de stabilité, la charge de la dette devrait passer de 1,7 à 2,6 % du PIB. Il est moins effrayant de présenter les choses ainsi que de dire que la charge de la dette va passer de 40 à 74 milliards, et cela a également plus de sens.

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Notre majorité est très attachée à la maîtrise de la dépense publique et de la dette, qu'il nous faut réduire. Nous nous réjouissons de la création de cette commission d'enquête, qui permettra de clarifier le débat, d'éclairer la représentation nationale et, probablement, d'aller à l'encontre d'un certain nombre d'idées reçues.

Premièrement, j'espère que cette commission prendra un peu de recul et s'attachera à comparer l'augmentation de la dette que l'on a connue lors de la dernière crise et celle que l'on a subie lors de crises précédentes. La dette s'est accrue de 26 points de PIB entre 2007 et 2012, et d'un peu moins de la moitié depuis 2017. Il faut comparer des choses qui sont comparables.

Deuxièmement, j'ai entendu beaucoup de propos mettant en cause l'Agence France Trésor (AFT). Pour notre part, nous pensons qu'elle accomplit un travail d'excellente qualité dans l'intérêt du contribuable et ce, dans un environnement particulièrement difficile. J'espère que votre commission permettra de mettre en lumière son travail.

Troisièmement, on a beaucoup contesté les OAT indexées. Si, par définition, elles nous coûtent plus cher depuis la reprise de l'inflation, il faut aussi avoir à l'esprit les économies qu'elles ont permis de réaliser en période de très faible inflation.

Enfin – même si la position des agences ne guide pas notre action –, le maintien de la note de la France montre, d'une certaine manière, la qualité de notre dette et la confiance que les investisseurs témoignent à notre pays. J'espère que la commission d'enquête mettra également cette dimension en lumière.

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Monsieur le président, si nous n'avons pas le même présupposé, du moins partageons-nous le constat d'une trajectoire ascendante de la dette. J'espère que la commission d'enquête nous offrira l'occasion de comparer l'évolution française avec celle, assez différente, que connaissent nos voisins.

En travaillant sur la dette, nous serons amenés à nous pencher sur les questions du déficit et des dépenses. Nous aurons des positions très différentes des vôtres, monsieur le président, quant à la possibilité, que vous avez évoquée, d'annuler la dette, mais nous aurons l'occasion d'aborder la question.

Nous allons connaître un quasi-doublement de la charge de la dette en moins d'une décennie, ce qui réduira les crédits budgétaires affectés aux besoins des Français et aura un impact sur leur pouvoir d'achat. Il nous faudra examiner spécifiquement ce dernier point.

Nous devrons également nous pencher sur la question de savoir qui détient la dette et réfléchir aux effets des évolutions en cours.

Monsieur le rapporteur général, je pense en effet que nos travaux présenteront un intérêt certain en vue de l'examen du prochain PLF. Des avis très partagés ont été émis sur l'Agence France Trésor. Il nous faudra entendre tous les acteurs, parmi lesquels la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui participe à la gestion de la dette. Il conviendra également d'examiner la nature des financements retenus, tels les OAT indexées, non indexées, etc. Il faudra dresser un bilan des choix opérés, sans nécessairement remettre en cause les orientations qui ont été prises en fonction de circonstances particulières. Cet examen devra nous permettre de nous préparer et de mieux réagir, le cas échéant, à l'avenir.

Je souhaite que tous les groupes puissent s'exprimer afin que nous ayons un débat très ouvert sur l'ensemble de ces points.

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Je précise que mon propos relatif à l'annulation de la dette concernait uniquement la partie issue de la dette covid.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Le groupe Renaissance partage évidemment vos objectifs, madame la rapporteure. Nous sommes attentifs aux risques que l'endettement fait peser sur notre souveraineté, nos choix budgétaires et le financement des crises à venir et de la transition écologique. Cela étant, il faut être très vigilant sur les mots que l'on emploie pour que cette commission d'enquête n'ait pas un impact négatif sur nos conditions d'endettement, ce que personne ne souhaite. Vous avez notamment parlé d'« année noire », de « débâcle » et de « responsables ». Nous devons, me semble-t-il, porter un regard assez distancié pour nous prémunir contre ce type de risques.

Nous débattrons des causes de la dette, monsieur le président, mais force est de constater que nous avons à la fois le niveau de dépenses publiques et le taux de prélèvements obligatoires les plus élevés de tous les pays développés. C'est la cause principale de notre endettement.

Il faudra se livrer à une certaine mise en perspective historique. Rappelons que, dans les années 2000, nous avions le même niveau d'endettement que l'Allemagne alors qu'en 2017, l'écart entre nos deux pays dépassait 35 points.

Il faudra également veiller à ne pas mettre en cause les fonctionnaires de l'Agence France Trésor. Il est essentiel de ne pas jeter le discrédit sur ces personnels et de ne pas considérer qu'ils effectuent un travail politisé ou biaisé. Ils sont au service de la gestion de notre dette.

S'agissant de notre bilan patrimonial, je rappelle que nos engagements hors bilan frôlent les 4 000 milliards, ce qui n'est pas très heureux. Cette situation est notamment liée à notre endettement en matière de retraites.

Je comprends votre raisonnement, monsieur le président, concernant la présentation de la dette, mais, in fine, pour les Français, 1 euro emprunté reste 1 euro emprunté, quelle que soit sa traduction en pourcentage de la richesse nationale. Cela induit des choix et des arbitrages entre les postes budgétaires.

Nous serons très heureux de travailler avec vous, madame la rapporteure, sur cette commission d'enquête.

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Cette commission d'enquête, qui nourrira nos réflexions et nos travaux, est très bienvenue.

Vous avez dit qu'il ne fallait pas mettre en cause l'AFT : je m'étonne de cet a priori. Il ne s'agit pas de chercher à incriminer des fonctionnaires, mais d'enquêter sur l'ensemble des causes de notre endettement. Il faut arrêter d'agiter le moulin à prières dès que l'on veut enquêter sur quelque chose. Il est arrivé que des commissions d'enquête confirment – ou infirment – les craintes que l'on pouvait nourrir quant à l'incompétence de certaines personnes.

Je m'interroge sur la chronologie que vous avez choisie. Il aurait été possible de retenir des étapes plus objectives et moins politiques qu'une élection. On aurait pu prendre comme point de départ la perte de notre souveraineté monétaire, et éventuellement remonter au traité de Maastricht, dont les critères ont été définis entre 1991 et 1993. Il aurait été intéressant de se pencher sur la politique menée en France pour satisfaire ces critères, tant pour l'entrée définitive dans la zone euro que pour les années qui ont suivi. On aurait pu également s'interroger sur l'évolution du rôle des banques centrales. Bref, plusieurs dates, plus objectives, auraient permis de nourrir davantage notre réflexion, mais le choix du groupe Les Républicains est de bonne guerre.

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Je ferai deux remarques. Premièrement, on peut certes toujours emprunter facilement sur les marchés, mais il faut avoir conscience des conséquences de l'augmentation exponentielle de la charge de la dette. On n'est plus dans un contexte de taux nuls, qui ont masqué les conséquences des dérives du début du premier mandat d'Emmanuel Macron. À l'époque, plus on s'endettait, plus la charge de la dette diminuait. À présent, on sait que, quoi qu'il arrive, à la fin de la décennie d'Emmanuel Macron, la charge de la dette sera devenue le premier budget de l'État, loin devant l'éducation nationale. Certains diront que ce n'est pas grave, mais ce seront près de 80 milliards dont on ne disposera pas pour soutenir notre économie, redresser les services publics, organiser notre défense, etc.

Deuxièmement, les engagements du Gouvernement reposent sur des prévisions qui se sont révélées totalement erronées, comme nous l'évoquions l'été dernier. Les prévisions de croissance actuelles apparaissent toujours bien supérieures au consensus des économistes. On nous parle maintenant de 1 %, dont 0,2 % – chiffre dont Bruno Le Maire se glorifie – au premier trimestre. Cela ferait au mieux 0,8 % pour le reste de l'année, si la moyenne était tenue. Cela représentera des milliards en moins, ce qui contribuera à aggraver la situation. L'acquis de croissance de l'année dernière a été moins bon que prévu ; ce sera à nouveau le cas l'année prochaine. Tant que l'on n'aura pas mené une opération vérité sur les comptes de l'État, on prendra le risque de mettre la France dans une situation très difficile. Je forme le vœu que la commission d'enquête soit un moment de vérité, afin que nous puissions redresser la situation de notre pays.

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On peut se demander pourquoi vous avez choisi de commencer l'enquête au lendemain de l'élection présidentielle de 2017 alors que la dette publique augmente de manière significative depuis près de cinquante ans, sous l'effet de crises successives et de décennies de gestion défaillante. La chronologie que vous avez retenue nous privera d'éléments de réponse essentiels aux questions que vous soulevez : nous ferons par exemple l'impasse sur l'étude de la situation que la France a vécue au cours de la période 2008-2014. À l'époque, en raison de la crise des dettes souveraines, la France avait procédé à un rééquilibrage budgétaire majeur, notamment par de fortes hausses des prélèvements obligatoires sur les entreprises et, surtout, sur les ménages. Cela avait étouffé la timide reprise de l'économie européenne et avait produit des conséquences désastreuses sur les finances publiques. Il aurait aussi été intéressant d'avoir des éléments de réponse sur la croissance de la dette publique entre 2002 et 2007, laquelle a atteint près de 20 points de PIB alors que ces années furent plutôt positives pour notre économie.

Cela nous fait penser que cette commission d'enquête risque d'être perçue avant tout comme une tribune politique. Certains pourront craindre qu'elle se contente d'une exploration de surface.

Nous en convenons, la croissance de la dette publique et ses effets sur notre économie mériteraient d'être traités en profondeur, avec rigueur, pour que l'on puisse en tirer des enseignements utiles pour la bonne gestion de nos finances publiques. Nous participerons à ces travaux.

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Notre groupe soutient la création de cette commission, intéressante et utile, qui permettra de confronter les points de vue. Nous n'aurons pas la même position que la rapporteure ni que les groupes de la majorité présidentielle. À une époque, on nous disait que le fait de dépasser un taux d'endettement de 60 % du PIB serait la fin du monde. Puis on nous a dit que 100 % serait la fin de la fin du monde. Aujourd'hui, on est à 110 % et rien de ce qui a été annoncé n'est arrivé. Nous écoulons nos obligations sans problème. Bien des pays ont un niveau d'endettement supérieur au nôtre. En outre, peu d'économistes plaident en faveur de budgets excédentaires.

La dette est éternelle, à l'instar de l'État. Elle doit être jugée par rapport à l'actif qu'elle a permis de construire. La question essentielle est celle de la confiance. Le problème n'est peut-être pas tant la dette que la dégradation des recettes orchestrée par le Gouvernement depuis 2017 – à cet égard, le point de départ que vous avez choisi nous paraît opportun. La dette est soutenable, mais son financement, à nos yeux, doit être équitable, c'est-à-dire peser sur les plus riches.

Cette dette n'est pas si grave, ce qui ne signifie pas qu'il faut faire n'importe quoi. Il convient d'engager des dépenses publiques intelligentes, qui stimulent la croissance, notamment dans le but de réduire la dette écologique – nous ne transigerons pas là-dessus.

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Sur la forme, la demande de création de la commission d'enquête s'inscrit dans le cadre du droit de tirage annuel du groupe Les Républicains. Nous prenons acte du choix qui nous est exposé. Le groupe Horizons et apparentés suivra évidemment l'avis de la rapporteure, qui estime que la demande de création de la commission d'enquête doit être déclarée recevable.

Sur le fond, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de débattre d'ores et déjà des futures conclusions de la commission. Je salue le choix des deux objectifs poursuivis. Je ne doute pas que les travaux à venir, auxquels nous aurons plaisir à participer, permettront d'objectiver des faits, des choix, des décisions et les conséquences qui en ont résulté.

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Nous en venons aux questions des autres députés, en l'occurrence à celle de M. Sitzenstuhl.

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C'est une bonne chose que le Parlement exerce ses pouvoirs de contrôle, mais je m'interroge sur le pas de temps choisi. Le choix qui a été fait est très politique, comme l'ont souligné plusieurs orateurs, alors que le sujet de la dette n'est pas nouveau. Toutes les majorités qui ont dirigé la France ont fait face à cette problématique. Entre 2002 et 2012, période au cours de laquelle l'UMP (Union pour un mouvement populaire) était au pouvoir, la dette publique a augmenté de 975 milliards, puis, entre 2012 et 2017, alors que le Parti socialiste et les écologistes étaient aux responsabilités, elle s'est accrue de 357 milliards. Il aurait été intéressant de commencer l'enquête plus tôt et d'interroger tous les anciens ministres des finances, de gauche comme de droite.

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Je ne suis pas loin de partager cet avis. Je rappelle que, lors de la crise des subprimes, l'État a garanti 360 milliards pour sauver les banques.

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Monsieur Lefèvre, je vous rejoins sur l'intérêt d'avoir une vision historique du sujet. Nous souhaitons mener ces travaux sans a priori, en enrichissant notre réflexion à partir des auditions.

Monsieur Tanguy, on peut toujours retenir d'autres critères, en effet, mais je rappelle que les travaux de la commission porteront non seulement sur les raisons de la forte croissance de la dette française depuis 2017, mais aussi sur ses conséquences sur le pouvoir d'achat des Français.

Monsieur Di Filippo, vous avez parlé d'un moment de vérité. De fait, à l'heure où nous parlons tous beaucoup de la dette et où le ministre de l'économie et des finances lui-même tire la sonnette d'alarme, je crois que cette commission permettra de mettre au jour un certain nombre de faits. Il sera également intéressant de se pencher sur les hypothèses retenues pour la construction d'un budget.

Monsieur Mandon, vous demandez pourquoi nous avons choisi 2017. Je vous répondrai : pourquoi pas ? La période que nous avons retenue est très riche et donnera matière à de nombreuses auditions. Cela étant, nous ne pourrons évidemment pas faire totalement abstraction du stock de la dette. Enfin, il va sans dire que nous nous attacherons à mener des travaux rigoureux et approfondis.

Monsieur Bouloux, nous aurons en effet l'occasion de confronter nos points de vue. Vous avez évoqué les seuils qui étaient brandis comme des chiffons rouges et dont le dépassement n'a eu aucune conséquence. De fait, nous avons franchi la barre des 2 000, puis des 3 000 milliards de dette, ce qui, à un moment donné, a des répercussions sur la charge de la dette et le pouvoir d'achat des Français.

Madame Magnier, vous avez salué les deux objectifs que poursuivra la commission. De fait, il sera intéressant d'examiner les effets de l'endettement sur le pouvoir d'achat et d'établir une comparaison avec des pays voisins, qui ont subi des crises sanitaires et inflationnistes similaires mais qui ne connaissent pas, pour autant, une situation identique à la nôtre.

Monsieur Sitzenstuhl, depuis 2017, la dette s'est accrue de 1 000 milliards, ce qui représente un tiers de son volume. À un moment donné, il faut bien choisir une temporalité. Il est important que nous tirions des enseignements de nos travaux pour préparer l'avenir : c'est à cela, aussi, que sert une commission d'enquête. Celle-ci devra remettre son rapport dans un délai de six mois à compter de la prochaine réunion de la Conférence des présidents, soit au plus tard le 7 novembre.

En application de l'article 140, alinéa 2, du Règlement, la commission constate que les conditions requises pour la création de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la très forte croissance de la dette française depuis l'élection présidentielle de 2017 et ses conséquences sur le pouvoir d'achat des Français sont réunies.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 30 avril 2024 à 16 heures 30

Présents. - M. Christian Baptiste, M. Mickaël Bouloux, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Dominique Da Silva, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Félicie Gérard, M. Mathieu Lefèvre, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Emmanuel Mandon, M. Denis Masséglia, Mme Mathilde Paris, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy

Excusés. - M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Joël Giraud, M. François Jolivet, M. Michel Lauzzana, M. Tematai Le Gayic, M. Jean-Paul Mattei, Mme Christine Pires Beaune